Au sujet du nom Воронцов
Préambule
Tout étant imbriqué, il est impossible de présenter un ordre permettant de comprendre tout les thèmes abordés ici étapes par étapes (le plus notable étant, à plusieurs reprises, des explications d'une section qui aident à comprendre une autre section qui, elle-même, explique des choses permettant de comprendre la section qui permettent de comprendre certaines choses de celle-ci). L'ordre choisi est plutôt arbitraire, il s'agit de commencer par les explications concernant le russe et de faire précédé ce qui phonétique à ce qui est scripturaire. Dès lors, voici une liste des sections contenant certains éléments clefs qui permettent de comprendre certains thèmes abordés:
- la lettre “ъ” est (le plus souvent) entre parenthèse car elle correspond à l'ancienne orthographe russe d'avant 1918 (cf. la section concernant l'orthographe de “Воронцов(ъ)”);
- savoir que la transcription conventionnelle de “Воронцов” serait aujourd'hui: “Vorontsov” (cf. la section concernant la transcription) vous aidera à voir quelles lettres de l'alphabet cyrillique correspondent à quelles lettres de l'alphabet latin;
- or, savoir quelles lettres en cyrillique correspondent à quelles lettres en alphabet latin vous donne déjà une idée des phonèmes utilisés qui sont précisés dans la section concernant la prononciation;
- la section concernant la traduction de “Воронцов(ъ)” permet de comprendre de façon moins abstraite la formation grammaticale;
- inversement, la section concernant la formation grammaticale de “Воронцов(ъ)” permet de comprendre la logique de la traduction et les étapes qu'elle comprend.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, voici, pour votre culture général, l'explication d'une spécificité dont les exemples permettrons de particulariser les propos qui suivent à l'aide de noms de membres de la famille.
Le patronyme
En russe (et en ukrainien), en plus du prénom et du nom de famille, chaque personne à un nom patronymique (un nom formé à partir du prénom du père).
À titre d'exemples, Николай Матвѣевичъ Воронцовъ (dont le nom est orthographié “Николай Матвеевич Воронцов” à la fin de sa trop courte vie) à pour prénom “Николай” (transcription: “Nikolaï”; traduction: “Nicolas”) et pour patronyme “Матвѣевичъ” (transcription: “Matveevitch”; traduction: “fils de Mathieu”) et ces enfants s'appellent respectivement Дороти Николаевна Воронцова, qui a donc pour prénom “Дороти” (transcription: “Doroti”; traduction: “Dorothée”) et pour patronyme “Николаевна” (transcription: “Nikolaevna”; traduction: “fille de Nicolas”), et Лев(ъ) Николаевич(ъ) Воронцов(ъ) qui a donc pour prénom “Лев(ъ)” (transcription: “Lev”; traduction: “Léon”) et pour patronyme “Николаевич(ъ)” (transcription: “Nikolaevitch”; traduction: “Fils de Nicolas”).
Prononciation
La transcription en Alphabet phonétique international de “Воронцов(ъ)” dans sa prononciation standard (dite “de Moscou” qui est aussi celle utilisée à Самара, ville de naissance de Николай Матвеевич(ъ) Воронцов(ъ), de Дороти Николаевна Воронцова et de Лев(ъ) Николаевич(ъ) Воронцов(ъ)) est la suivante: /vɐrɐnˈt͡sɔf/ voire /vərɐnˈt͡sɔf/, en effet:
- le dernier “о” est accentué (dans un dictionnaire, il sera écrit: “Воронцо́в”), ainsi, les deux premiers “о” subissent une apophonie accentuelle, c'est-à-dire qu'ils se prononcent [ɐ], voire, semble-t-il, [ə] pour le premier qui, quoi qu'il en soit, est plus cours que le deuxième (étant à peine prononcé, il arrive qu'il soit inaudible);
- le “р” est roulé (et alvéolaire: /r/, alors que notre “r” est, théoriquement, une consonne fricative et uvulaire: /ʁ/, autrement dit, le “р” se prononce comme les latins du sud prononcent le “r” et non comme, à notre époque, les membres de l'académie française et les journalistes radiophoniques ou télévisés français prononcent le “r”, soit la prononciation standard actuelle, utilisé par un nombre considérable de francophone, mais, heureusement, d'autres façon de le prononcer, qui donnent une partie du charme à un certain nombre d'accents locaux, subsistent);
- le dernier /v/ subit un dévoisement final qui fait qu'il se prononce /f/
- si la lettre “ъ”, qu'il y avait avec l'ancienne orthographe, a indiquée une vélarisation (ce qui veut dire que (théoriquement, lors de son articulation secondaire) la partie postérieure de la langue se rapproche du voile du palais) notée: /ˠ/, cette lettre étant devenue muette (à cause d'une articulation dite “faible”) en fin de mots (bien avant la dernière réforme orthographique), la vélarisation n'avait de toute façon plus lieu dans le cas présent.
Orthographe
Tout d'abord écrit: “Воронцовъ”, l'orthographe a changée en 1918 avec la réforme orthographique du russe, en effet, la lettre “ъ” (le “jer dur”) a alors été abandonné à la fin des mots car il était devenu “faible” et donc muet.
D'autres changements orthographiques ont eu lieux avec cette réforme, par exemple: la lettre: “ѣ” a été remplacé par la lettre: “е” (une illustration pratique se trouvant dans la section “Le patronyme”), la raison de ce remplacement est dû au fait que la pronontiation était alors devenue identique.
Formation grammaticale
Voici les étapes grammaticales qui permettent de former le nom “Воронцов(ъ)”:
- le nom commun “во́рон” (“corbeau”) a pour origine étymologique le mot slavon “вранъ” qui, quand à lui, en tant que nom commun, veut dire “corbeau”, et, en tant qu'adjectif, veut dire “noir”;
- ce nom est tout d'abord adjectivé à l'aide du suffixe “-ой”, ce qui donne “вороно́й” (certainement à une époque où la forme adjectival s'est démarquée de la forme nominale);
- cet adjectif voit son suffixe remplacé par le suffixe “-ец” qui crée, à partir d'un adjectifs, un nom masculin pour une personne ayant la qualité de l'adjectif en question (autrement dit, qui crée un sobriquet), ce qui fait “вороне́ц”;
- ce nom est mit au génitif pluriel qui indique, dans ce cas, qu'il s'agit d'un nom de famille, ce qui a pour conséquences la disparition du “е épenthétique” afin de pouvoir ajouter du suffixe “ов(ъ)” ce qui donne le nom “Воронцов(ъ)” — en russe, les voyelles “е” et “о” peuvent être épenthétiques (autrement dit: “mobiles”) dans le cadre de la modification de suffixe, c'est à dire qu'elle sont utilisée pour prononcer certaines syllabes sans voyelles dans certaines formes d'un mot et non dans d'autres formes de celui-ci, en fonction de la facilité à prononcer; en français, il y a des consonnes épenthétique ou euphonique comme, par exemple, le “t” dans “a-t-il”.
- Les femmes voit leur patronyme et leur nom de famille féminisé à l'aide d'un “а” final, ce qui donne pour le nom de famille “Воронцов(ъ)”: “Воронцова”, de plus, pour désigner les membres d'une famille en utilisant leur nom, on utilise le pluriel à l'aide d'un “ы” final, ce qui donne: “Воронцовы” (dans les deux cas, la lettre finale remplace la lettre "ъ" avant sa suppression lors de la réforme de orthographique de 1918).
Transcription
Avec la transcription conventionnelle du russe en français, “Воронцов” serait aujourd'hui transcrit ainsi: “Vorontsov”.
En 1922 — lorsque Дороти Николаевна Воронцова et Лев Николаевич Воронцов ont migré de la Russie à la Belgique (en effet, suite au décès de leur père, leur mère y rejoignis la maison familiale, sa propre mère étant Belge) — de tels conventions était probablement inexistantes et, de toute façon, il a été transcrit dans l'alphabet latin à l'allemande (ou tout du moins à la façon d'une langue germanique), dès lors, il a été transcrit de la sorte: “Worontzoff”.
On peut légitimement se demander pourquoi la première lettre du nom de famille est transcrite d'une façon et la même dernière lettre de ce même nom l'est d'une autre. S'il y a l'explication du dévoisement final, il se trouve que, tout comme en russe, en allemand, il n'entraîne aucun changement orthographique. Ceci étant, aux XVIIIe et XIXe (voire au moins au début du XXe) siècles, la tradition voulait que le “в” final d'un nom se transcrive par “ff” voire “f”. Le doublement du “f” serait une manière de rendre la lettre “ъ” (et la nouvelle orthographe russe n'y a, a priori, rien changé). Il faut tout de même noter un certain antagonisme germaniquo-slave (voire germano-russe) dans le doublement du “ff” puisque le génitif des noms de famille en russe (en l'occurrence le “ов(ъ)”) voient leur voyelle pratiquement toujours accentué (ce qui est présentement le cas, cf. la section prononciation), ce qui implique un /ɔː/ (“o” long), or, en allemand, les doubles consonnes indiquent que la voyelle qui précède est courte.
Le plus étonnant est le “tz”, en effet:
- le “z” en allemand correspond phonétiquement au “ц” en russe;
- le “tz” (toujours en allemand) est considéré comme un double “z”;
- on n'emploie jamais de double lettres (ou, en l'occurence de “tz”) après un “l”, un “m”, un “n” ou un “r” (soit les consonnes sonores qui n'ont aucun équivalent en consonne sourde).
Il y a donc une faute en allemand. Il y a deux explications possibles:
- il s'agit peut-être d'une transcription francophone de la transcription germanophone, ce que montre l'exemple de la ville de Gduńsk en kachoube (la langue locale) ou Gdańsk en polonais ou Danzig en allemand qui s'écrit “Dantzig” (voire “Dantzick”) en français, et ce, à partir de l'allemand. Pour en être sûr, il faudrait trouver des règles de transcriptions de l'allemand en français; cela permettrait également de savoir si ce type de transcription est encore d'actualité — la même explication pourrait aussi permettre de comprendre l'antagonisme entre le “ff” et la longueur du dernier “o”, quoi que, l'information concernant cette transcription traditionnelle par un double “f” vient d'un article universitaire concernant, entre autre, la transcription en allemand d'un nom russe (et d'une courte correspondance avec l'auteur de cet article qui a permit de savoir que c'était généralisé durant la période sus-mentionnée; auteur qui, précisons-le, est français).
- La règle d'orthographe allemande susmentionnée est actuelle, mais elle était peut-être encore innexistante, ce qui est sûr, c'est que la toponymie est souvant concervatrice d'un point de vue orthographique et que nous avons un exemple du non respect de cette règle avec le nom d'un land allemand: “Baden-Württemberg” (en allemand) — d'ailleurs la transcription française, elle, utilise une orthographe qui respecte la règle allemande actuelle (tout en faisant égallement disparaître un “n”), ce qui donne: “Bade-Wurtemberg”. Bref, encore une fois, ce qui est étrange actuellement était lors de la transcription peut-être encore généralisé.
Дороти Николаевна Воронцова (et certainement sa mère) parlant courrament allemand, je pencherais volontier pour cette dernière explication, d'autant plus quand on sait que c'est par la Suèdes qu'ils ont fuit la guerre civile en Russie pour en suite aller en Belgique.
À titre indicatif, il existe au moins deux autres orthographes en alphabet latin que voici: “Woronzow” et “Worontsow” (la première étant entièrement logique en allemand et la seconde évoquant, sans certitude, une transcription d'une langue slave utilisant certainement un alphabet latin tel que le polonais, transcription reprise parfois tel quel dans d'autres langues tel que l'anglais).
Notez que, en utilisant des ligatures, on peut, pour la présente orthographe, utilisé la typographie suivante: Woronꜩoff.
Translittération
La translittération consiste à transcrire chaque lettres d'un alphabet à un autre sans tenir compte de la prononciation de sorte que l'opération soit réversible.
Avec la norme de l'Organisation internationale de normalisation 9:1995 “Воронцовъ” est translittéré ainsi: “Vorontsovʺ” et “Воронцов” ainsi: “Vorontsov”.
Traduction
Voici une traduction faite étapes par étapes pour s'assurer d'éviter autant que possible toutes erreurs ou simplifications détournant le sens:
- Le nom commun “во́рон” veut dire “corbeau”;
- l'adjectif “вороно́й” se traduit par: “noir” (soit de la couleur du corbeau, cf. la section concernant la formation grammaticale);
- le suffixe “-ец” (qui remplace le suffixe “ой” de “вороно́й”) sera traduit par le suffixe augmentatif “-aud” car celui-ci lie la couleur noir au teint et à la couleur des cheveux (ce qui est historiquement le sens du sobriquet “вороне́ц” — une autre traduction de ce nom commun est “actée”, à savoir le nom vernaculaire russe de l'Actæa de la famille des Ranunculaceæ de l'ordre des Ranunculales, mais le sobriquet n'a vraisemblablement jamais eu ce sens), ce qui donne “noiraud”;
- il y a la particule (ou le suffixe) “ов(ъ)” qui correspond au génitif pluriel en russe. Il est donc à traduire par “des(…)s” qui, dans le cas d'un nom est une marque (plurielle) du génitif. Il est à noter à ce sujet que la présence ou l'absence de cette particule marquant le génitif (contrairement à ce que l'on croit généralement) n'a aucun lien avec une marque de noblesse.
- La question de la définition ou non de l'article qui est souvant problématique en russe (du fait qu'il n'y a aucun articles en russe) est éludée par l'existance du “des” qui, en soi est un article. Il est a noter qu'historiquement, la tendance a été d'accollé la particule (l'article) à ce qui défini le nom, par exemple: “Deschamps”, mais il n'y a aucune règle établie, ce qui est sûr, c'est que si l'article est accolé, celui qui prend une majuscule et s'il est séparé, c'est ce qui défini le nom qui prend la majuscule et la particule est en minuscule (sauf dans certains cas grammaticaux logique en français).
La traduction du nom Воронцо́в(ъ) serait donc: “des Noirauds” ou “Desnoirauds”.
Post-scriptum: Tenant compte de cette traduction, des sites équivalant à des traduction de ce nom de famille ont été créés aux adresses: d.as.neuris.name et des.noirauds.name.